Michel Drucker, entouré de Julie et de ses chroniqueurs attitrés (Mathieu Madénian, Walter, Jérôme Commandeur, Matthieu Noël, Willy Rovelli, Faustine Bollaert, Oldelaf), recevait vendredi (le 16 mars) Pierre Perret dans son émission Faites entrer l’accusé.
Un rendez-vous d’impertinence et de bonne humeur autour de la sortie du livre Les poissons et moi, édité en novembre 2011.

L’occasion, pendant une heure trente, de retracer le parcours de ce marathonien poète, auteur, compositeur, interprète qui n’a jamais caché son amour pour Europe 1.
Il l’affirmait à Benjamin Petrover en octobre 2011 (Voir seconde vidéo) : Je dois tout à Europe 1 :
Pierre Perret n’oubliera jamais qu’à ses débuts, lors d’une profonde période de doutes, après qu’Eddie Barclay lui ait déclaré :

Tu sais, mon petit vieux, on n’a rien contre toi. Elles sont bien gentillettes, tes chansons. Toi aussi, d’ailleurs, tu es gentil… mais ça ne marchera jamais. Et tu sais pourquoi ? ÇA NE MARCHERA JAMAIS TANT QUE TU FERAS DU PERRET !

c’est Lucien Morisse (alors directeur d’Europe n°1) qui l’a convaincu de continuer à écrire et à chanter :

[…] Je repartis avec le moral au plus bas. Le pire moment de découragement de toute ma carrière, je l’ai ressenti vraiment ce jour-là en remontant l’avenue de Neuilly pour me rendre jusqu’à Europe 1. Je voulais que Lucien fût le premier à savoir que je venais de décider de tout arrêter. Le grand coup sur la tête que je venais d’accuser m’avait fait oublier jusqu’au succès remporté ces jours derniers avec Los Machucambos. […]

En arrivant à Europe 1, je me dirigeai tout droit vers son bureau. J’entrebâillai la porte d’une petite salle d’attente où Mireille, sa fidèle secrétaire, faisait patienter les rendez-vous qui s’enchaînaient. J’aperçus au moins quinze personnes qui, sagement assises côte à côte, comme chez le docteur, attendaient de voir Lucien Morisse. À l’instant même où Mireille, le regard navré, ouvrait la bouche pour me dire : « Reviens un peu plus tard », Lucien entrouvrit la porte de son bureau, dit au revoir à celui qu’il venait de recevoir et… m’aperçut. D’un geste de la main, je lui fis signe que je repasserais plus tard lorsqu’il dit à la cantonade à ceux qui l’attendaient : « Pardonnez-moi mais je dois voir mon ami Pierrot, cela ne prendra qu’une minute. »

Le sourire charmeur de Lucien, qui en avait cloué plus d’un, avait opéré encore une fois sur son auditoire. J’entrai donc avec lui dans son bureau en ayant bien malgré moi damé le pion à ceux qui poireautaient.

– Qu’est-ce qui ne va pas, mon Pierrot ? me dit Lucien après m’avoir embrassé.

– Mais… comment…

– Tu sais, mon grand, je commence à bien te connaître. Quand j’ai vu ta tête, j’ai tout de suite compris qu’il y avait un truc qui clochait. Tu venais m’en parler, c’est ça ?

Désarmant, ce sacré Lucien !

– Tu sais, lui dis-je en le regardant droit dans les yeux, je suis vraiment désolé mais je crois que je vais tout arrêter.

– Quoi ??? Mais tu es tombé sur la tête !

– Je viens de voir Eddie (Barclay) à l’instant. Oui, effectivement, il m’en a mis un grand coup sur le citron.

– Tu te rends compte de ce que tu me dis ? Après le tabac que tu viens de faire dans la tournée avec los Machucambos ? On ne me parle que de ça depuis une semaine ! (Là, il m’a scié, le Lucien.)

– De plus, il paraît que tu as des chansons nouvelles que je ne connais pas et qui font un malheur. Et tu veux arrêter maintenant ? renchérit-il visiblement ébranlé par ce que je lui annonçais.

Depuis que je le connaissais, je n’avais jamais entendu Lucien dire un mot plus haut que l’autre. Je n’étais pourtant pas venu pour le voir rompre avec son attitude flegmatique légendaire.

– Écoute, Pierrot, me dit-il posant les mains bien à plat sur son  bureau, explique-moi ce qui s’est passé pour que tu aies à ce point le moral dans les chaussettes. Assieds-toi d’abord, prends ton temps… Et, désignant nonchalamment la porte, il a ajouté : « Ils attendront ! »

Je lui racontai tout. Il m’écouta gravement, avec cette attitude qui lui était familière, les coudes posés sur le bureau et les mains arrondies, doigts croisés sous le menton. Il me dit, quand j’eus terminé :

– Tu sais, Eddie n’est pas méchant… Il est simplement un peu con. Il est à des années-lumières de tes chansons, de ce que tu écris ! Il n’y comprend rien et il n’y a jamais rien compris. Faut pas lui en vouloir ! Où en es-tu de ton contrat chez lui ?

– Il est échu depuis plus de six mois, dis-je. Il ne s’en est même pas rendu compte ! Et moi, je viens juste de m’en apercevoir…

Lucien éclaira son visage d’un immense sourire.

– Alors, il n’y a plus aucun problème !

– Pourquoi dis-tu cela ?

– Eh bien parce que dès à présent tu peux aller enregistrer où ça te chante, parbleu ! [… ]
Ne bouge pas, dit-il, saisissant le téléphone… Allô, Léon ?… Non, rien de cassé, tout va bien ! Je t’appelle parce que je vais te faire un cadeau. Je t’envoie un chanteur qui n’a plus de maison de disques… Comment il s’appelle ?… Pierre Perret, tu le connais !

Silence à l’appareil. À l’énoncé de mon nom, l’interlocuteur de Lucien était-il tombé à la renverse ?

– Allô Léon… Tu es toujours là ?… Mais bien sûr, il a du matériel (des chansons) nouveau ! Et ça marche même très bien dans les salles… Quand?.. D’accord ! Je le lui dis. Je te revaudrai ça. Voilà, enchaîna Lucien, dès à présent, tu es engagé par le patron de la maison Vogue, c’est Léon Cabat qui signera ton contrat après-demain à quatorze heures chez eux à Villetaneuse.

[Extrait de A cappella (le cherche midi) Chapitre Le vrai Barclay pages 201-214]

Cet épisode, parmi d’autres depuis tant d’années, explique pourquoi Europe 1 reste la station de radio préférée de Pierre Perret !

  • Pour écouter l’entièreté de l’émission, cliquez sur la flèche du lecteur audio ci-dessous
  • Pour visionner les interventions de Walter et Faustine, voir la première vidéo.


Je dois tout à Europe 1