Discours de Pierre Perret lors de la remise des insignes de Commandeur des Arts et des Lettres

Paris, le 9 juillet 2014, Ministère de la Culture et de la Communication.

Chère Madame La Ministre, Chers amis,

Existe-t-il un mode d’emploi pour obtenir cette prestigieuse décoration qui fait de vous un Commandeur de l’Ordre des Arts et des Lettres ?
Il faut bien avouer qu’à propos de cette suprême distinction, si espérée, si convoitée par ceux-là même dont la cruelle frustration n’a pour conséquence que l’insomnie, que nous n’avons pas le moindre indice quant à la manière sûre de se la voir attribuer un jour.
Certains consultent Wikipédia code « honneurs », d’autres les pages jaunes de l’annuaire, d’autres encore apportent les premières girolles à leur député espérant que ce délicat présent suscitera un opportun coup de piston auprès de leur ministre. Nul n’a vraiment trouvé la recette pour décrocher enfin ce ruban si convoité.

J’étais pourtant persuadé d’avoir fait, tout au long de ma vie, le contraire de ce qu’un futur candidat gourmand d’honneurs, s’applique à faire d’ordinaire pour les obtenir. Eh bien, pas du tout ! Je m’étais lourdement trompé.
Car, un beau jour voilà t-il pas qu’à l’orée de mon petit bonhomme de chemin, notre bienveillant premier ministre d’alors, nommé Michel Rocard, sembla soudain frappé d’une bouffée d’optimisme à mon égard et même sans doute de mansuétude pour mes escapades dans les chemins buissonniers de notre belle langue française. Il me demanda si par hasard cela ne m’«amuserait» pas ni plus ni moins, de bousculer les mots une fois de plus, ainsi que leur rigoureuse et incontournable orthographe !…
Il me suggéra autrement dit, en compagnie d’honorables et distingués linguistes tels que le grand maître d’entre eux Bernard Quémada ou encore ajouta t-il perfidement, celui de « ton bon copain Pivot », de faire écrire dorénavant à nos écoliers, Vanupied et Jeanfoutre en un seul mot et sans trait d’union s’il vous plait !… Ou encore et pourquoi pas, Nénufar avec un F ! Rien que ça ! … Et l’homme de peu de sagesse que j’avais définitivement accepté d’être, finit encore par dire oui à cette – il faut bien le dire – révolution – proposée, et même encouragée, c’est un comble par un premier ministre au sein même de son gouvernement !
Veux-tu conclut-il devenir membre du Conseil Supérieur de la Langue Française que je viens d’instituer ?

Vous l’avez compris mes amis, l’issue était fatale. Comment échapper à son destin lorsqu’on a accumulé tant de maladresses qui ne peuvent que vous conduire aux honneurs ?

Ma nature peu rancunière me dictera quoiqu’il en soit de vous prier d’accepter néanmoins mes chaleureux remerciements chère Madame La Ministre.
Je remercierai, également si vous me le permettez, non pas mon entraîneur, mais en l’occurrence mon épouse pour la constance avec laquelle elle encouragea l’anticonformisme risqué de mes propos d’auteur de chansons si diverses !
Il est un dicton qui prétend que l’on a « les amis qu’on mérite ». Eh bien vous tous qui m’entourez, sachez que mon plus grand bonheur en ce jour de grand honneur, est certainement celui de vous avoir mérité.